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Social Justice for All

25 octobre 2010

Dadoo, elias et les autres, petite ébauche...

globe_solidarite_600On assiste vers le milieu des années 1975 à un changement de vision des handicapées. Le traitement social inégalitaire qui leur est adressé va donner naissance à une mobilisation sociale du groupe concerné qui va prendre conscience des discriminations dont il fait l’objet. Certes, les modèles de compensation ont fait avancer les choses, mais a été mis en place une discrimination positive et donc une catégorie à part pour les personnes handicapées.

Commence alors à émerger une prise de conscience de la marge de manœuvre individuelle des personnes handicapées. Et ce groupe d’individus va tenter de changer les critères auquel on l’identifie en s’organisant autour d’une action collective pour promouvoir des revendications et faire pression sur les politiques. C’est ainsi qu’en Europe et en Amérique du Nord sont crées des mouvements organisés de personnes handicapées et ces derniers revendiquent des actions réelles et différentes des prises en charge habituelles.

Le mouvement le plus important est Disabled Peoples International ou Organisation Mondiale des personnes handicapées.

…‘’Nous sommes des êtres humains et nous voulons décider  de notre vie’’. Animées par cette même volonté d’affirmation de soi, les personnes handicapées présentes à l’Assemblée mondiale de réhabilitation internationale ont ainsi exprimé le souhait de participer plus activement aux décisions de l’organisation internationale qui représentait leurs voix et défendait leurs droits. Et, face au refus des dirigeants d’instaurer des principes de fonctionnement qui garantissent leur participation, celles-ci décidèrent de créer, un an plus tard, en 1981, l’Organisation mondiale des personnes handicapées. Avec la naissance de l’organisation mondiale des personnes handicapées et les orientations tracées par les Nations Unies, l’avenir cette année là, prit un sens nouveau. Enfin, après des millénaires d’exclusion, ceux que personne n’osait appeler des personnes accédaient au statut d’être humain, appuyés dans cette reconnaissance par les résolutions onusiennes qui affirment que la personne handicapée a essentiellement droit au respect de sa dignité humaine. [1] .

Le génie de l’Organisation mondiale des personnes handicapées est d’aborder la question du handicap sur la base de deux principes majeurs qui portent en eux les germes d’une véritable ‘’révolution’’ : la globalité et la participation.

La globalité parce qu’au delà de sa dimension internationale, l’Organisation mondiale des personnes handicapées a su réunir toutes les personnes handicapées, quelles que soient leurs déficiences, physiques, sensorielles ou cognitives, en abordant les questions de l’invalidité sous l’angle des droits de l’homme et de la discrimination[2]considérant ainsi que sont handicapées toutes les personnes qui subissent une discrimination du fait d’une déficience ou d’une incapacité physique, sensorielle ou mentale, l’Organisation mondiale des personnes handicapées pose une définition du handicap dont nous percevons aujourd’hui le sens politique après l’introduction de l’article 13 dans le traité européen d’Amsterdam.

Et la participation parce que l’Organisation mondiale des personnes handicapées est une organisation de personnes handicapées est une organisation de personnes handicapées dont les règles de fonctionnement favorisent leurs initiatives et encouragent leur autodétermination, et parce qu’elle réunit toutes les personnes concernées pour mieux transformer les sociétés.

            Cette organisation a aujourd’hui une place d’experts reconnue auprès des instances internationales ou s’élaborent les textes d’orientation et de recommandation en matière de politique sociales...

           Independent Living Mouvement , autre mouvement, a été mis en place par des étudiants handicapées de l’Université de Berkeley : ces derniers créent des ‘‘centres de ressources pour une vie autonome’’, offrant un ensemble de services d’assistance personnelle de transports adaptes, de soutien a l’autonomie, pour vivre dans la communauté.

En s’inspirant des pratiques d’autres mouvements sociaux ils mirent également en place des stratégies de coping tel le mouvement self-help[3], ils eurent l’obtention de financement public de programmes de vie autonome ou on leur reconnut des droits en tant que personnes handicapées tout comme le mouvement de lutte pour les droits civiques[4]. Les personnes actives au sein des ces mouvements de revendication des droits, suivent les mêmes objectifs que d’autres groupes minoritaires : mouvements antidiscriminatoires envers les personnes noires, les femmes, les homosexuels, etc.…

L’Independent Living Mouvement jouera un grand rôle quand à la promulgation de la loi Americans With Disabilities Act[5] 1990 contre les discriminations.

On fait des efforts pour réduire les limitations fonctionnelles grâce à davantage d’accessibilité dans le milieu ordinaire. Le mouvement devient vite international.

A partir des années 80, l’internationalisation du mouvement appelle de nouvelles formes de représentation et d’action qui permettent une visibilité des personnes handicapées sur la scène politique internationale ou s’élaborent orientations et recommandations en matière de politiques sociales. Outre l’action de soutien individuel à l’intégration et à la participation sociale accomplie localement, le deuxième front de lutte du mouvement des personnes handicapées se situe désormais au niveau de l’obtention d’une reconnaissance de leurs droits civiques et sociaux, qui soit assortie de recommandations et de mesures contraignantes qu’ plans national et international. Afin de leur assurer un recours face aux discriminations…

La représentation des personnes handicapées s’institutionnalise. En 1993 est créée le Parlement européen des personnes handicapées. La même année, est institue le Forum européen des personnes handicapées. Instance consultative auprès de la Commission européenne pour les questions relatives au handicap, le Forum réunit les conseils nationaux représentatifs des organisations nationales des 15 pays membres de l’Union, ainsi que 12 organisations européennes et internationales représentatives des différents types de handicap.[6] Le label du statut consultatif donne aux organisations représentatives officialise leur légitimité et leur droit à participer a l’élaboration des textes de recommandation et de résolution.

La construction de l’expertise des personnes handicapées s’est tracée au long d’un processus menant de l’action concrète a la formalisation de l’expérience collective pour en permettre la transmission et la diffusion internationale, puis a la traduction de cette expérience en terme politiques, occasionnant a chacune de ces étapes une transformation des rapports entre personnes handicapées et non handicapées.

Ce processus aboutit d’une part, à une reconnaissance désormais irréversible de la compétence des personnes handicapées a définir leurs besoins et les réponses a y apporter, d’autre part, a l’inclusion de leurs revendications du droit a une entière citoyenneté et a une pleine participation sociale dans les textes produits par les instances internationales et européennes.

En Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, l’action directe est très importante de la part de ses mouvements : par exemple, la Campagne pour le transport accessible et la campagne contre le patronage. Les deux groupes ont organisés de très importantes actions telles qu’une manifestation a Londres ou les personnes en fauteuils roulant  se sont attachées avec des chaines eux-mêmes aux bus. Ces mobilisations sont très proches des mouvements féministes des années 1960’.[7]Et ils ne sont pas juste importants pour leurs demandes mais aussi pour les techniques et les manières de lutter. Et, quand les voies officielles sont épuisées, les personnes handicapées ont appris à employer d’autres techniques de protestations sociales telles que les manifestations et les sit-in.[8]

Ce développement est important aussi parce qu’il permet de changer la perception populaire des personnes handicapées.  Il y a un changement social grâce a ces actions directes. L’épisode du bus rappelle la lutte de la population noire aux Etats-Unis : les bus étaient aussi le premier objet du mouvement parce que les membres de la communauté noire ont commence à voir la discrimination dans le bus et ont rendu cela non plus comme une misère privée mais comme un problème public et un ennemi commun.[9]

Cette action directe comporte donc de nombreux éléments : C’est une façon d’attirer l’attention sur les institutions et l’environnement qui créée l’handicap ou qui le renforce : le transport inaccessible, l’inadaptation du lieu de travail. C’est un véritable acte politique, montrant que l’handicap est une question de relations sociales et non des conditions médicales. C’est une chance pour les personnes handicapées de le ‘‘faire par eux-mêmes ‘’, sans l’aide ou la participation de personnes non handicapées, ce qui a amène a l’autonomie, l’indépendance, et le pouvoir. C’est en effet un processus qui a créée le sens de la solidarité, des propositions et de la force collective qui permet d’influencer les instances gouvernementales. La discrimination positive ne leur suffit plus, il faut les considérer comme des citoyens en tant que tels, capable d’agir par eux même.[10]

Quand il y eut la Campagne pour le transport accessible par exemple, la police fut forcée d’admettre qu’il était difficile de dialoguer avec les personnes handicapées puisque lorsqu’on a voulu entamer des procédures contre les protestataires devant la Cour Magistrale, on s’est rendu compte que l’immeuble n’était en rien accessible aux personnes handicapées. Le message fut donc d’autant plus intense et le gouvernement dut faire face à ses responsabilités vis-à-vis de ce groupe de population. Les personnes handicapées ne sont plus inactives et sont prêtes à désobéir civilement si l’on ne modifie pas les choses. Tout comme les femmes et les noirs, le changement politique ne pouvait provenir des méthodes électorales. En effet, les noirs  et les femmes ne pouvaient voter  et quant aux personnes handicapées, les obstacles d’accessibilité étaient multiples et le taux de participation par conséquent très faible. La solution était donc l’action directe : manifestation, blocus.

Identité et conscience groupale

            Pour que ce mouvement soit et reste fort, la conscience groupale est primordiale. Il y a donc un processus d’identification qui est nécessaire et le mouvement des personnes handicapées va s’inspirer fortement du nouveau processus d’identification qui est mis en place notamment par les mouvements homosexuels et féministes.

Alors qu’avant, la différence était uniquement perçue comme erreur public, ces victimes vont refuser de se laisser faire et vont au contraire inverser le stigmate : elles vont prendre une mauvaise appellation, un stéréotype a leur égard et le convertir en insigne de fierté de leur mouvement.[11]

Queer dont le terme signifie littéralement ‘‘loufoque’’ mais qui représente surtout une insulte homophobe a été central dans le mouvement des personnes homosexuelles. C’est alors que les personnes homosexuelles se sont appropriées ce terme et ont forme un groupe qui s’en prend aux contraintes de la normalité. On passe de l’insulte au lieu d’une nouvelle action directe : c’est l’inversion du stigmate. On utilise nos ’’faiblesses’’ ou dans ce cas la les insultes extérieures pour contrer la discrimination. Fini les clivages gay-lesbiennes, la théorie queer concernent tous ceux et celles qui se définissent en dehors des normes identifiées de sexualité. Ce mouvement a tente de montrer que leur différence qui entraine discrimination ne font pas juste parties de la sphère privée mais sont omniprésente dans l’espace publique. Ce mouvement va tenter de mettre en relief la fragilité des frontières entre personnes homosexuelles et hétérosexuelles et tente de montrer que l’espace social de la majorité peut aussi etre soumis a la bonne volonté des  ’’déviants’’ de ne pas se faire remarquer.[12]Il va donc se baser sur l’identité sexuelle : etre homo. Les personnes homosexuelles devaient se référer à une norme centrale : l’hétérosexualité qui n’est pas remise en cause, qui est neutre. C’est la que nait la différence problématique. Et toutes les autres différences telles que la profession, la couleur de peau ne sont que secondaires, seul l’identité homo importe. Et c’est cette identité qui va permettre d’agir et de créer une nouvelle normativité et d’en exposer les implications.[13]

Ainsi tout comme les mouvements antérieurs, les mouvements des personnes handicapées moteurs tentent de critiquer cette façon dont les normes sociales peuvent matérialiser les corps. Et, De manière similaire, beaucoup d’activistes handicapées ont utilisé le mot ‘’cripple’’  qui signifie boiteux. Et ces activistes, à travers ce mot, se sont construit une identité positive basée  sur la fierté, personnelle et collective, qui fait face au préjudice et aux discriminations. La clé de cette identité est que ces personnes agissent par elles- mêmes pour elles-mêmes. Elles ont même été jusqu'à etre contre les groupes de charités travaillant pour les personnes handicapées. Le mouvement voulait valorise l’action directe de masse et non l’action d’une élite qui n’était en rien concernée.  Tout comme les mouvements antérieurs, les actions directes devaient etre menées et contrôlées par les personnes concernées. Il en allait d’ailleurs de même pour les mouvements noirs, féministes.[14]

Ils veulent donc être perçus comme des personnes faisant partie de la société et non comme des malades qui doivent etre pris en charge, avec des lois spécifiques. C’est à la société d’évoluer globalement pour que tous les citoyens puissent y vivre convenablement.

[2] Déclaration de décembre 1975 suite à la résolution 3447 de l’organisation des Nations Unies

    [3] Colin Barnes , Disabled people in Britain and discrimination: a case for anti-discrimination legislation,British     Council of Organizations of Disabled People,C. Hurst & Co. Publishers, 1991, p.43 et 222

[4] Ibid, p.223

[5] http://www.crinet.org/ilm.php

[6] Valerie, Anne Mohanu « L’européanisation de la question du handicap à travers le Forum européen des personnes handicapées », Alter, European Journal of Disability Research, 2008,2(1), p. 14-31.

[7] Mario Priestley, « In search of european disability policy : between the national and the global», Alter, European Journal of Disability Research, 2007,1(1), p. 61-74. 

     [8] Gary L. Albrecht, Katherine D. Seelman, Michael Bury, Handbook of Disability Studies,SAGE, 2003,p.12 

     [9] Alastair Hudson, Hudson et al, New perspectives on property law, human rights, and the home, Routledge   Cavendish, 2004, p.48

[10] Ibid,p.56

[11] Ibid,p.58

[12]Marie-Hélène Bourcier, Queer Zones Politique des identités sexuelles et des savoirs, Amsterdam, 2006, p.21

[13] Ibid,p.6

[14] ibid,p.18

[1] Résolution 34479 de 1975


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